Le marché suisse: complexe et disputé

Le vignoble valaisan Photo: Alexandre Truffer

Le vignoble valaisan
Photo: Alexandre Truffer

Difficile de définir un consommateur suisse moyen. En effet, le pays se divise en trois régions linguistiques de cultures et d’habitudes de consommation différentes.  La frontière qui sépare les régions francophones et la Suisse Allemande porte le nom de «barrière de roestis» –un plat traditionnel à base de pommes de terre sautées- symbole de la divergence des comportements alimentaires des uns et des autres. Comme le montre une étude de la société MIS-Trend parue en septembre 2009, les germanophones achètent beaucoup plus de vins italiens, espagnols ou du Nouveau-Monde que les Suisse romands. Ces derniers apprécient par contre deux fois plus le vin français -27% du panel en boivent même régulièrement- que leurs compatriotes alémaniques. Symbole de cette opposition: les bulles. En 2007, une enquête du Comité Interprofessionnel du Vin de Champagne avait montré que les 20% de la population parlant français consommaient plus de 70% des 5,5 millions de flacons importés par an. Corollaire de cette observation, les effervescents tels que le Prosecco ou le Cava peinent à percer à Genève ou Lausanne alors qu’ils se taillent un joli succès à Berne, à Zürich ou à Bâle.
Marché important des grandes régions françaises, la Suisse possède aussi son propre vignoble. D’une superficie de 15’000 hectares, celui-ci ne parvient qu’à fournir 40% de la demande indigène. Depuis une vingtaine d’années, la viticulture helvétique a changé d’orientation. Après avoir délaissé le productivisme des décennies 70 et 80, elle s’est orientée vers des cépages de niche et des crus de qualité. En conséquence, les volumes produits  sur le territoire national ont tendance à stagner autour du million d’hectolitres. La majorité de la consommation concerne donc des vins importés. En 2008, pas moins de 1,845 millions d’hectolitres ont ainsi franchi la frontière. Leader incontestée pendant des décennies, la France a laissé sa place à l’Italie pour ce qui concerne les volumes. Par contre, l’Hexagone sait valoriser ses appellations puisque, avec moins d’un quart des importations, le pays reste largement médaille d’or en terme de valeur.
A l’image de ce qui prévaut dans les autres pays de tradition viticole, la consommation par habitant a diminué pour se stabiliser depuis une dizaine d’années autour de 40 litres par an et par habitant. Mais les plus notables évolutions concernent les habitudes de consommation. L’apéritif ayant souvent disparu du paysage professionnel, les vins blancs ont perdu du terrain. Les rouges de gastronomie connaissent eux une progression constante, appréciés qu’ils sont par une clientèle qui se renouvelle sans difficulté. Ainsi, les jeune urbains ont intégré le monde du vin et la connaissance de ses codes au nombre des compétences sociales indispensable. Curieux et volages, ces nouveaux consommateurs ont favorisé l’apparition sur le marché de cépages et de régions peu connus aux dépens des classiques du siècle passé.

Cette article est paru en hiver 2009 dans la Revue Vinicole Internationale.

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Journaliste indépendant et créateur de RomanDuVin.ch, Alexandre Truffer écrit régulièrement pour Le Guillon, la revue des vin vaudois, Terre & Nature et VINUM, le magazine européen du vin.

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