Clos de Chillon

Les promeneurs qui arpentent les rives du Léman connaissent bien le Clos de Chillon. Ce domaine d’un seul tenant se situe entre le château du même nom et l’agglomération et n’est séparé de la rive que part un petit chemin pédestre. Appartenant à la fondation qui gère le plus connu des monuments historiques de Suisse, le clos de Chillon s’étend sur 12’000 mètres carrés. Le Chasselas domine largement et occupe un hectare complet alors que 1’500 mètres carrés sont complantés en rouge. Le solde, 400 mètres, a été arraché il y a peu et les discussions sur son encépagement futur sont encore en cours.

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Jusqu’en 2010, ce clos, comme de nombreux vignobles en mains institutionnelles, était mal valorisé. Vinifié en partie par les Hospices cantonaux et par la maison Badoux à Aigle, ce vin était pour moitié vendu en vrac et pour moitié au château. Sous l’impulsion de Jean-Pierre Pastori, directeur du château, les choses sont sur le point d’évoluer. Objectif : vendre l’intégralité de la récolte en bouteille. Premier changement, la vinification sera intégralement confiée aux soins de Daniel Dufaux, l’œnologue de Badoux. Autre nouveauté, l’élevage en barrique qui se déroulera dans le cellier du château. Depuis cet été, les étages inférieurs de la forteresse abritent 45 barriques que Daniel Dufaux a choisies avec soin : « elles viennent d’une grande maison de Bourgogne et ont déjà servi pendant 4 ou 5 à élever du Chardonnay. Désormais la fermentation et l’élevage d’un an se dérouleront entièrement à Chillon.»
Le Clos de Chillon, qui il faut bien le dire ne fait pour l’heure pas partie des grands Chasselas helvétique, devrait donc changer profondément de style. Daniel Dufaux qui entrevoit un grand potentiel d’évolution entend se montrer aussi peu interventionniste que possible sur ce vin. Il veut privilégier de longues fermentations, laisser les lies en suspension le plus possible et se dit tenté par des expériences de fermentation spontanée. A la vigne, Eddy Bertholet, le vigneron-tâcheron du domaine, s’est déjà mis à l’ouvrage pour transformer ce «blanc traditionnel» en spécialité haut de gamme
Le chai représente encore une inconnue. En général, les producteurs préfèrent entreposer leurs barriques loin du public pour éviter toute manipulation indésirable. Ici, les tonneaux verront défiler des centaines de personnes par jour. Un passage qui n’inquiète pas outre mesure les initiateurs du projet. Ceux-ci ont d’ailleurs pris leur précaution en bouchant les fûts avec des bondes ne s’ouvrant qu’avec un outil spécial.
À noter que cette collaboration entre le Château de Chillon et la maison Badoux n’est pas la première du genre. Au printemps, plusieurs centaines de bouteilles de Chasselas avaient été entreposées à trente mètres de profondeur afin d’étudier les effets du vieillissement dans un environnement théoriquement idéal (pas de bruit, pas de lumière et température constante). Les calculs de Changins avaient laissé entendre que l’étanchéité du bouchon aurait dû rester parfaite, mais les premières bouteilles remontées ont montré que ce n’était pas le cas, le vin étant devenu vaseux et imbuvable. Un coup dur pour Daniel Dufaux, mais après tout, c’est ainsi que la science avance…

Articel paru en mai 2011 sur RomanDuVin.ch

About the Author:

Journaliste indépendant et créateur de RomanDuVin.ch, Alexandre Truffer écrit régulièrement pour Le Guillon, la revue des vin vaudois, Terre & Nature et VINUM, le magazine européen du vin.

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