30 ans d’équilibre de la terreur entre ravageurs et auxiliaires de la vigne

Parente miniature de la mygale, l’érèse coccinelle (en photo ci-dessus) atteint une taille maximum de deux centimètres.

Parente miniature de la mygale,
l’érèse coccinelle (en photo ci-dessus) atteint
une taille maximum de deux centimètres.
Photo: Agroscope

A la fin des décennies 1970-1980, il n’était pas rare de faire en Suisse deux à trois traitements d’acaricide par saison et par parcelle. Aujourd’hui, on se limite à un traitement tous les cinq ans, et encore, sur des parcelles bien spécifiques. Les acariens constituent l’exemple parfait de la réussite d’une stratégie de lutte biologique réussie. Les ravageurs – acarien rouge et acarien jaune commun – sont très bien contrôlés par leurs prédateurs naturels, les typhlodromes. Ces auxiliaires, qui font aussi partie des acariens, ne coûtent rien et ne causent aucun dégât collatéral. Il faut juste veiller à ce que les produits de traitement utilisés ne les affectent pas.
Les chercheurs helvétiques ont joué un rôle pionnier dans le développement de la lutte intégrée contre les ravageurs de la vigne. Nos prédécesseurs à Changins ont été les premiers à se montrer attentifs à ce que les fongicides utilisés ne déciment pas les populations de typhlodromes afin de préserver l’équilibre entre auxiliaires et ravageurs. Ainsi pour la lutte contre la flavescence dorée, nous utilisons, comme les Italiens, la buprofézine une substance qui donne de bons résultats contre la cicadelle mais ne pose pas problème aux typhlodromes. A l’inverse, certains pays préfèrent utiliser des pyréthrinoïdes, beaucoup moins chers mais qui déciment aussi les populations d’auxiliaires. Le coût fait partie des éléments essentiels dans le choix d’un mode de lutte contre les insectes. Prenons l’exemple de la confusion sexuelle, un système de lutte contre le ver de la grappe efficace et sans impact écologique: très majoritaire en Suisse et en Allemagne, il devient marginal dans les régions où la main-d’œuvre est moins chère et les produits phytosanitaires représentent le premier poste de dépenses.
En compagnie de Christian Linder, nous avons rédigé en 2016 un livre sur les ravageurs et auxiliaires de la vigne. Au début de cet ouvrage, nous avons recensés les molécules qui ne sont plus utilisés dans la lutte contre les insectes. Pas loin de soixante substances actives ont été retirées de la liste des produits autorisés dans notre pays, certains parce qu’ils avaient perdu de leur efficacité, les autres tout simplement parce qu’ils ne sont plus nécessaires. Cette situation réjouissante résulte d’un équilibre fragile entre auxiliaires et ravageurs qui pourrait être remis en cause par l’arrivée d’un nouveau nuisible, comme la mouche Suzukii ou la cicadelle, insecte inoffensif en tant que tel mais qui véhicule une maladie mortelle pour la vigne, la flavescence dorée. S’il fallait commencer à lutter à l’artillerie lourde contre un de ces nouveaux-venus, le risque serait grand de rompre cet équilibre qui fonctionne bien et de plonger dans une spirale de traitements très coûteuse d’un point de vue économique comme écologique.

Cet commentaire de Patrick Kehrli fait partie du dossier Nature du Swiss Wine Journal 2017 (édité pour les marchés export) avec le texte sur les auxiliaires de la vigne.

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Journaliste indépendant et créateur de RomanDuVin.ch, Alexandre Truffer écrit régulièrement pour Le Guillon, la revue des vin vaudois, Terre & Nature et VINUM, le magazine européen du vin.

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