Montheron, Haut-Crêt, Humilimont et Hauterive: les abbayes qui ont forgé le Dézaley

Entre le 3e siècle et le 4e siècle, naît le monachisme que l’on définit comme le mode de vie d’une personne ayant prononcé des vœux de religion et faisant partie d’un ordre dont les membres respectent une règle commune. En 270, la retraite de Saint Antoine en Egypte influencera de nombreux disciples qui essaimeront du Moyen-Orient vers l’Occident (Provence, Irlande, Italie). Benoît de Nursie, prieur du Mont-Cassin en Italie, rédige en 529 une règle comprenant 73 chapitres qui structure toute l’activité des monastère. Celle-ci impose entre autres aux religieux de « ne devoir leur subsistance qu’à leurs propres mains ». Au 9e siècle. Trois siècles plus tard, l’empereur Louis le Pieux impose la règle de Saint Benoît a tous les monastères d’Occident.

Le Clos des Abbayes en hiver Photo: Marc Vanhellemont

Le Clos des Abbayes en hiver
Photo: Marc Vanhellemont

L’an de grâce 910, le duc d’Aquitaine fonde l’abbaye de Cluny, qu’il place sous l’autorité directe du pape. Cette indépendance, qui la met à l’écart des conflits entre la noblesse et le clergé, favorise la prospérité de l’abbaye. Un siècle et demi plus tard, Cluny atteint son apogée. On recense 10’000 moines répartis dans près de 1200 monastères. Toutefois, ce succès des Clunisiens va de pair avec un relâchement de la discipline. Dans un lieu isolé, Robert de Molesne fonde l’abbaye de Cîteaux en 1098. Vivant une vie d’ascèse et de recueillement, les premiers Cisterciens peinent à trouver une relève. Tout change quinze ans plus tard, lorsqu’un jeune noble charismatique, Bernard de Clairvaux, rejoint Cîteaux avec une vingtaine de compagnons. Auteur prolifique et conseiller des plus grands de son temps, il transformera la petite abbaye isolée en un ordre universel qui essaimera dans tout l’Occident. A sa mort, quarante et un ans après ses vœux monastique, l’abbaye compte près de 350 filiales.

Abbaye de Montheron
En 1141, cette abbaye cistercienne fondée six ans plus tôt par l’évêque Girard de Faucigny, reçoit des terres à l’est du Dézaley pour y planter des vignes. Malgré des donations généreuses, le couvent périclite. En 1536, Lausanne perd son statut de ville impériale et devient sujet des cantons de Berne et Fribourg avec lesquels elle était jusque-là alliée. Par mesure de compensation, Berne offre aux bourgeois de l’ancienne ville épiscopale le domaine viticole de l’abbaye de Montheron, le Clos des Abbayes. Montheron elle-même sera détruite dans les décennies suivantes.

Abbaye d’Haut-Crêt
Fondée en 1134 par Cherlieu de Bourgogne sous le patronage de l’évêque de Lausanne Guy de Maligny, cette abbaye cistercienne reçoit la partie occidentale du Dézaley. Couvent prospère (enlever à la renommée internationale), Haut-Crêt va louer une partie de ses vignes à des cultivateurs locaux. Au milieu du 14e siècle, le domaine qui abrite une auberge recense une trentaine d’abergataires (vignerons payant une location). En 1536, le couvent et ses terres sont intégrées au baillage d’Oron. Lorsque le canton est libéré de la tutelle bernoise, en 1803, les autorités lausannoises rachètent ce que l’on appelle alors le Dézaley d’Oron pour 62’000 francs de l’époque. Ce domaine de quatre hectares prendra le nom de Clos des Moines en 1912. Quant à l’abbaye, brièvement transformée en hôpital, elle tombera en ruines. Ce n’est qu’en 2006 que des fouilles archéologiques permettent de retrouver sa localisation exacte.

Abbaye d’Hauterive
L’abbaye cistercienne d’Hauterive, dans le canton de Fribourg, qui accueille aujourd’hui encore une vingtaine de moines cisterciens a été fondée en 1138 par Guillaume de Glâne. Cette année-là, l’évêque de Lausanne lui fait don des Faverges (les forges) de Saint-Saphorin, paroisse dont fait alors partie le Dézaley. Les archives montrent de nombreux actes de vente, d’achat et de location de parcelles pendant sept siècles. En 1848, le gouvernement radical fribourgeois confisque les biens du couvent pour payer les réparations de la guerre du Sonderbund. Vingt ans plus tard, le Conseil d’Etat fribourgeois a changé de majorité politique et il offre 435 000 francs à diverses institutions religieuses pour compenser la saisie de leurs biens, Domaine des Faverges compris.

Abbaye prémontrée d’Humilimont-Marsens
Fondée en 1137 à Ogoz, en Gruyère, l’abbaye d’Humilimont-Marsens, accueille des chanoines et des moniales observant la règle de Saint-Augustin. Elle dépend de l’Abbaye du Lac-de-Joux qui fonde en 1141 un couvent pour femmes aux Rueyres, sur le territoire de la paroisse de Saint-Saphorin. Si les religieuses plantent les première vignes, l’ordre envoie quatre ans plus tard des moines gruyériens en renfort. En 1325, Girard de Vuippens, évêque de Lausanne puis de Bâle, offre 300 florins d’or aux religieux pour « acheter des vignes en Dézaley ». En 1580, le couvent, qui se remet à peine d’un incendie dévastateur, est dépossédé de ses biens par le pape Grégoire XIII. Le pontife octroie les dépendances d’Humilimont au Collège Saint-Michel fondé par les Jésuites. En 1962, celui-ci a besoin de fonds pour rénover ses bâtiments. Les vignes sont cédées  à l’Etat de Fribourg qui les intègre au domaine des Faverges mais cède certaines vignes périphériques. Ainsi, un hectare de Dézaley-Marsens est vendu au prix de 40 francs le mètre carré.

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Journaliste indépendant et créateur de RomanDuVin.ch, Alexandre Truffer écrit régulièrement pour Le Guillon, la revue des vin vaudois, Terre & Nature et VINUM, le magazine européen du vin.

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