Le dilemme de l’été (Vin suisse et dormition: épisode 32)

Vin suisse et dormition : épisode 32 24 avril 2020

Photo: Alexandre Truffer

Le troisième des cinq numéros annuels de VINUM arrive dans les boîtes aux lettres à la fin du mois de juin. Le gros défi de cette édition est de trouver une thématique pour le guide de dégustation : les vins du nouveau millésime arrivent en masse sur le marché, mais de nombreux vignerons jugeant, et souvent à raison, que les mise en bouteilles sont trop précoces et que les vins ont besoin de quelques mois pour révéler tout leur potentiel. Cette dégustation attire toujours certaines critiques de professionnels estimant qu’une revue spécialisée devrait mettre en avant l’élite de la production au moment où elle atteint son apogée. J’essaie d’expliquer que nos abonnés paient pour avoir des bons conseils et non pour qu’on leur parle des pépites qu’ils auraient dû acquérir une fois qu’elles ne sont plus disponibles sur le marché. Pour 2020, j’ai décidé que le thème serait les Chasselas parcellaires 2019. 48 heures après l’envoi du mail – qui laissait un mois de délai aux vignerons afin de pouvoir s’adapter aux complications de la période – j’ai reçu trois mails critiques et quinze échantillons à déguster. On verra le décompte dans un mois, mais pour l’instant: so far, so good !

La bouteille du jour
La dormition causée par le coronavirus va porter un coup très rude à un vignoble suisse déjà touché par la crise. Afin d’apporter un maigre soutien aux vignerons sur lesquels j’écris depuis quinze ans, j’ai décidé d’ouvrir une bouteille de vin suisse par jour de confinement (deux précisions: j’ai dit ouvrir, pas forcément finir, et vu que ma cave compte près de 600 bouteilles de vin suisse, je ne crains pas trop de tomber à sec).

Non filtré 2019 Cave des Lauriers
Ce Chasselas trouble est surtout bu en primeur, mais les lies en suspensions lui permettent de se conserver sans problème et de défier le temps. Avec trois mois de bouteilles, ce blanc est encore dans sa prime jeunesse. Une robe claire, un nez expressif où des notes florales parsèment une aromatique dominée par les fruits exotiques, une bouche fraîche encadrée par une attaque franche et une finale sapide constituent les traits dominants de ce vin d’apéritif extrêmement plaisant.

Un peu de culture sur le vignoble suisse
Entre la fin des incursions sarrasines (980) et le début des épidémies de peste (1349), le Valais connaît comme la plupart des régions alpines une longue période de prospérité. «Les conflits et les tensions existent, reconnaît Pierre Dubuis. On sort parfois les couteaux, mais la plupart des confrontations sont réglées par la négociation.» Conséquence de ces trois siècles de paix, la population augmente et le vignoble se développe pour répondre à cette croissance démographique.

Notre article sur l’histoire du vignoble valaisan de l’an mil à la fin du Moyen-Âge.

Journaliste sur le vin, spécialisé sur le vignoble helvétique, j’habite à Montreux. Mi-mars 2020, cette petite ville animée sur les bords du Lac Léman est entrée, comme le reste du pays, en dormition (un terme religieux qui désigne une mort sans souffrances)  pour cause d’épidémie de coronavirus. Travailleur indépendant, rédacteur en chef de l’édition francophone de VINUM, père d’une petite fille de trois ans, président d’un concours international (le Mondial du Chasselas), je dois désormais réorganiser à peu près tous les pans de ma vie privée et professionnelle. Traverser le confinement, et survivre au cataclysme économique qui le suivra, va être une aventure exigeante dont ce journal de bord entend garder la trace.
Alexandre Truffer

Retrouvez ici les autres épisodes de Vin suisse et dormition

Merci aux partenaires ci-dessous de soutenir l’initiative Vin suisse et dormition